L'avant-midi appartient à ceux qui se lèvent tôt
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Récits augmentés - Chapitre IV - Partant du toit

1/10/2013

 
La réalité sans augmentation, celle qui a tout de même fait augmenter le nombre de membres dans notre famille, est venue perturber quelque peu la parution de la série « Récits augmentés », ce qui fait que, la semaine dernière, l’auteur a préféré laissé toute la place au petit Hakim, noblesse oblige ! La série reprend donc son cours normal ce mardi avec un épisode qui relate les débuts de l’aventure européenne …
(Note de l’auteur)
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J’étais sur le toit de la maison, je m’en souviens bien, lorsque Nicole m’a informé que quelqu’un me demandait au téléphone. Évidemment, il ne s’agit pas là de l’une de mes activités habituelles, j’en conviens … La hauteur de notre maison était moins importante à l’époque, c’était quelques années avant la démolition complète de celle-ci jusqu’aux fondations pour reconstruction totale sur deux étages, mais là n’est pas le propos du jour. Toujours est-il que j’étais sur le toit, affairé à étaler les paquets de bardeaux d’asphalte que le camion à grue, mieux connu par les francophones pas trop francophiles que nous sommes au Québec comme étant un « boom truck », que le camion à grue, donc, me livrait en vue de la corvée du weekend qui consistait à refaire la toiture de notre demeure familiale. 

De mémoire, c’était un vendredi, vers la fin de l’après-midi. 
 
Suis-je descendu doucement par l’échelle qui m’avait vu grimper jusque-là ? Ou me suis-je précipité jusqu’en bas pour prendre l’appel ? Ou encore ai-je nonchalamment demandé à ma douce le nom de l’appelant avant de me rendre au combiné, parce qu’à l’époque, et ce j’en suis assuré, l’appareil dont nous disposions était non seulement fixe mais aussi fixé au mur de la cuisine, près du corridor exigu qui menait aux trois chambres de cette petite maison ?

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Je pense, en y réfléchissant bien, que j’ai dû poser la question, pour éviter une inutile descente vers un vendeur de babioles ou de services permettant de rendre mon gazon plus vert que vert ! Plus j’y songe, plus j’en suis convaincu en fait, d’autant plus que des bribes de réponses commencent à frôler le cimetière de ma mémoire. Il me semble, mais est-ce bien le bon souvenir,  que Nicole a tenté de mâchouiller un nom de famille que je n’avais jamais entendu depuis ma naissance, accolé à une firme dont le nom me disait quelque chose. En fait, ce nom de famille, que vous me permettrez de taire pour des raisons de confidentialité, allait résonner dans mon environnement au cours des vingt années qui allaient suivre, ou presque, mais je n’en savais rien à ce moment-là. 
 
Quant à la compagnie, une offre d’emploi de celle-ci avait longuement trainé sur ma table de travail au sous-sol de la résidence, à travers d’autres papiers, offre qui, sans que je ne le veuille vraiment, semblait toujours revenir sur le dessus de la pile. J’avais découpé cette offre dans la section  « Carrières et Professions » dans le journal « Le Soleil » depuis quelques temps déjà; il me semble même qu’au moment où, finalement, je m’étais décidé à bouger et à envoyer mon curriculum vitae à ce producteur verrier récemment installé au Québec, l’offre était déjà périmée. Et pourtant, Glaverbec a répondu !

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Remontons sur le toit de la maison … plutôt suite à la réponse obtenue, je descends, laissant le bardeau à son triste sort, et je me colle l’oreille au combiné. L’interlocuteur, me confirmant avoir bien reçu mes documents, me signifie son intérêt pour une rencontre le soir même,  à 19 heures. Le soir même ! Nous sommes vendredi, je le signale à nouveau, et je lui fais part de ma surprise. Le soleil est encore assez haut dans le ciel de L’Ancienne-Lorette en ce début du mois d’aout, les trois coups de 15 heures ont probablement déjà retenti aux horloges les plus anciennes, et j’ai pris une journée de congé pour préparer la corvée de groupe en vue de la réfection de la toiture. Comme j’ai déjà un boulot permanent, la pression n’est pas très forte de mon côté pour chercher un nouvel emploi mais, car il y a un « mais », la fonction que j’occupe, ou plutôt je dirais la compagnie pour laquelle je travaille ne me plait guère. De surcroit, mon interlocuteur au bout du fil est du style convaincant. Et puisque j’ai offert mes services professionnels en répondant à leur offre, c’est dire que le poste m’intéresse, et cela semble réciproque … comme certains osent dire : « très réciproque » !

« Ok, 19 heures, comme un seul homme, je serai à vos bureaux … »

Je marmonne quelques mots à ma femme sur le contenu de l’appel en raccrochant le combiné et prudemment, j’escalade un à un les barreaux de l’échelle pour poursuivre et terminer la distribution des lourds paquets de bardeaux d’asphalte sur l’ensemble du toit de notre maison. Mais dans mon esprit commence un tourbillon d’idées qui ne s’arrêtera que plusieurs années plus tard, au moment où la machine humaine m’enverra quelques sérieux avertissements sur l’état de la mécanique interne. Mais ça, c’est une autre histoire qui, peut-être, fera l’objet d’un autre chapitre.

Déjà, je vois les avantages de changer d’emploi : meilleure localisation des bureaux qui sont situés en banlieue plutôt qu’au centre-ville, pouvoir de négociation plus grand étant un sujet intéressant pour eux, et vogue la galère dans mon esprit qui s’enflamme déjà. Si j’avais su ce qui m’attendait vraiment, je me demande aujourd’hui si je me serais même rendu à cette rencontre chez Glaverbec, producteur verrier du parc industriel de St-Augustin-de-Desmaures ?!? Je ne suis pas en train d’exprimer un quelconque type de regrets, loin de moi une telle pensée, très loin de moi ! J’essaie simplement de souligner que j’aurai eu peur de cette démesure, oui … de la démesure qui allait frapper ma vie, cette vie dont le calme allait devenir chose du passé, cette vie « locale » se préparait, sans le savoir, sans en avoir une seule goutte de doute, allait passer, pratiquement du jour au lendemain, sur les ailes de l’internationale.

18 h 50, je débarque à l’édifice bleuté, ce bel édifice qui n’arrive pas, malgré sa beauté vitrée, à cacher l’usine longue de presque 1 kilomètre où le verre est produit, 24 heures sur 24. À l’époque, j’avais toujours pensé que le verre poussait dans les arbres, et je n’avais jamais vu d’arbres verriers, jamais ! J’essaie de ne pas être impressionné mais l’inconnu commence souvent soit par nous faire peur, soit par nous impressionner. Je sonde la porte avant d’une main légère, la droite, plus légère que l’autre d’un demi-doigt, essayant de me rappeler les indications reçues au téléphone pour me rassurer par rapport à l’endroit où je devais me rendre, mais mon questionnement intérieur ne dure pas longtemps. C’est justement de l’intérieur que me vient la réponse, de l’intérieur du building. Une personne m’ouvre et me dirige promptement vers le lieu de la rencontre, là où déjà trois personnes m’attendent.

Une première rencontre, quelques tests psychométriques traditionnels, une seconde rencontre, incluant un face-à-face avec leur meilleur spécialiste en programmation (j’aurais tellement le gout de me servir de ma plume pour dire tout le mal que je pense de lui mais … mes comptes ont déjà été réglés, deux fois plutôt qu’une, sur le terrain avec cet énergumène prétentieux et incompétent que j’ai eu le plaisir et le privilège de déclasser à deux reprises), et j’avais déjà un pied dans l’avion pour la Tchécoslovaquie. Oui, la Tchécoslovaquie, et non la République Tchèque, car en 1991, la séparation, la division entre la Tchéquie et la Slovaquie n’avait pas encore été réalisée.

Gilles avait été honnête dès la première rencontre mais j’avais eu peine à le croire. Lorsqu’il m’avait froidement affirmé que le poste en était un dont les activités étaient intensément reliées à un projet à long terme qui se déroulait en Tchécoslovaquie, de but en blanc, n’ayant jamais mis le pied à l’extérieur des frontières du pays sauf pour tirer une clope dans le stationnement de l’église de Jackman, dans l’état du Maine, à environ 25 kilomètres de la frontière canadienne, je lui répondis que je ne parlais ni le tchèque, si cette langue existait, ni l’anglais, sauf celui des boites de céréales, et que, de toute façon, je n’avais même pas de passeport.  (Note : À l’époque, pour traverser la frontière canado-américaine, un simple permis de conduire canadien en règle suffisait !)

Gilles resta de marbre, et ne sourcilla pas non plus, malgré son importante pilosité qui n’avait d’égale que sa verve désarmante. Il me semble que c’est à partir de cette réponse qu’il allait me donner que ma confiance en lui a commencé à se bâtir, et jamais elle n’a faibli. Il a été mon patron pendant quelque 18 ans, mon supérieur hiérarchique direct, et avec lui, j’ai pris du galon et de l’expérience, sans jamais perdre ma confiance en son jugement. Sa réponse fut simple, pourtant, elle comportait des éléments de défi à relever, et c’était l’une de ses habitudes, celle de défier positivement ses employés pour les mener vers le haut, vers un accomplissement professionnel progressif bon pour eux et profitable pour les projets de la compagnie.  

Il me répondit que la langue tchèque existait, bien entendu, mais que les projets s’exécutaient en anglais, que tous les Canadiens pouvaient relativement facilement obtenir un passeport, et que le vol vers la Tchécoslovaquie durait environ huit heures, ce qui me donnait amplement le temps d’apprendre l’anglais nécessaire pour faire mon travail !

Et c’est à peu près ce qui arriva … j’eus même le temps, sur le même vol, d’apprendre le système informatique de production de l’usine que je devais installer, traduire et faire tourner là-bas avec mes collègues canadiens, belges et tchèques, entre autres. Sur le vol de retour, je me suis même permis le luxe de mémoriser quelques expressions de la langue locale de la Tchécoslovaquie, sans que le vol n’en soit allongé pour autant … C’est vous dire l’optimisation de notre temps que nous arrivions à développer ! L’expérience a duré presque 18 ans et plus de 900 décollages au total …


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    Marc Bérubé

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