Alors que mon souffleur à neige pétarade et lance la lourde neige mouillée hors de notre entrée, je revois ce véhicule qui avait d’abord attiré mon attention par le bruit de son moteur. Concentré sur la préparation des rapports d’impôt, et soutenu par le souffle du jazz habituel de mon bureau, je croyais qu’une voiture stationnée devant la maison attendait notre fils. Furtivement, je jetai un rapide coup d’œil par la fenêtre pour que mes yeux puissent confirmer ce que mes oreilles amenaient à mon cerveau comme information.
Une nouvelle compilation de données s’est effectuée dès l’instant où mes globes oculaires eurent débutés le transfert d’information vers les nombreux et rapides processeurs de mon cerveau : ce véhicule n’avait aucun lien avec notre fils, première conclusion, et de plus, il devenait suspect pour deux raisons.
Outre le fait qu’il était immobilisé directement derrière mon propre véhicule, non pas derrière ma rougeoyante vengeresse que j’avais gracieusement et généreusement prêtée à ma femme pour la journée vu mon congé, mais bien derrière la noirâtre Journey qu’elle utilise normalement (pauvre elle !), une passagère non moins suspecte me donnait un premier motif de suspecter cette voiture. Effectivement, celle-ci, cette passagère, ayant ouvert la portière arrière droite dudit véhicule louche, me semblait, je ne puis le confirmer officiellement, me semblait, donc, se débarrasser du contenu d’un récipient, un verre apparemment, en le versant, sans autre avertissement, au sol, tout juste à la limite de mon entrée et de la rue elle-même. Le geste, en apparence anodin mais tout de même singulier, me paraissait fort déplacé !

Ce qui, plutôt, me turlupina jusqu’à ce samedi matin où le déblaiement de l’entrée me rappela cet évènement insignifiant, c’est cet homme, douteux bien entendu, que je vis quitter notre abri d’hiver pour rejoindre le véhicule identifié au nouveau concessionnaire Dodge Chrysler de la région. Une fois la portière avant droite refermée, la voiture reprit normalement sa route comme si de rien n’était, me laissant seul à la fenêtre de mon bureau du second étage avec mes interrogations. Que faisait-il, qu’avait-il fait pendant les quelques instants, les quelques minutes peut-être, où il reniflait la Journey sans que je ne puisse le voir ? Était-il allé déposer quelque objet, quelque déchet, dans le bac à ordure localisé au fond de l’abri ? Quelques courts scénarios étaient passés dans mon esprit à ce moment-là, puis la vie, et les impôts, avaient repris leur place …
Jusqu’à ce samedi midi …
La boucle commença lentement à se boucler …
D’abord, j’eus, sans le demander, la réponse à ma question, à savoir la raison de cette visite impromptue, voire saugrenue, de cette voiture dans notre garage d’hiver. Ma femme m’informa qu’un représentant dudit concessionnaire était venu cogner à notre porte, cette fois sans essayer de se cacher dans le garage pour, je le sais maintenant, vérifier la provenance de notre véhicule et l’endroit où il était entretenu. Il voulait nous offrir des rabais … ma femme lui fit comprendre, avec toute la douce politesse dont elle est capable, que je préfère confier nos véhicules à mon garagiste en qui j’ai confiance depuis plusieurs années.
Ceci dit, il a été facile pour lui, en fouinant à la limite de la légalité dans notre abri d’hiver, à quel endroit avait été acheté notre Journey puisque les concessionnaires ont l’habitude de coller leur publicité et en avant et en arrière sur tous les véhicules qu’ils vendent, comme si nous étions dans l’obligation d’être pour eux des véhicules publicitaires. Quant à l’entretien, nous avons tous, dans le coin supérieur gauche de notre parebrise, un autocollant indiquant la prochaine vidange d’huile, n’est-ce-pas ? Et cet autocollant donne un aperçu du garage, ou du type de garage, où la dernière vidange a eu lieu. Voilà le motif qui l’a amené dans notre garage !
