Récit du 20 mars 2015
Pour les dames de la clinique Kaba, c'était une évidence que je devais être césarisée pour éviter tout risque pour le bébé ainsi que pour moi. En fait, ayant eu une première césarienne, un terrain variqueux, des bébés de poids élevé (surtout pour l'Afrique), une suture du périnée supposément mal faite et puis étant dans un pays où les spécialistes ne sont pas si nombreux et omniprésents dans les lieux de naissance, les dames de la clinique ont fortement insisté pour la césarienne. Plus pratique pour elles (gros montant d'argent, accouchement prévisible, etc.) mais moi, j'étais déçue. J'ai fait tout ce que j'ai pu avec mon amie sagefemme Willienke et ma famille pour rassembler mes dossiers d'accouchement, tenter de convaincre le personnel mais ils insistaient pas mal. Et le dimanche précédent, j'ai parlé à un médecin américain qui m'a quand même beaucoup réconfortée en me disant que c'était une bonne idée, la césarienne, ici, en Afrique. Que le matériel de réanimation n'était pas toujours présent, que les spécialistes étaient souvent loin quand urgence il y avait, et que c'était le plus simple, dans mon cas. Alors, quoique je me souvienne avoir pleuré en revenant de la clinique, j'ai finalement accepté l'opération, sachant que ça compromettait probablement un voyage éventuel au Canada, à cause de ses couts élevés. Le 19...??? Non, le 20 était une plus jolie date! Tous mes enfants seraient dans la vingtaine du mois! :)
Bref, je suis rentrée le jeudi soir pour prendre possession de la chambre numéro 4, et puis nous avons eu la permission de sortir un peu pour aller manger. Turkish Kitchen, avec son trampoline, était l'endroit souhaité par les petits bonshommes. Après des aurevoirs émouvants avec les enfants que je n'ai jamais envie de quitter, je suis revenue écrire un peu dans mes journaux et lire dans ma Bible, avant de dormir vers 23h15 (tôt pour la petite madame!). Bien réveillée le lendemain, je me suis préparée et ai attendu Salam. Douche prise vers 11h avec de la Bétadine (genre d'alcool rouge utilisé ici) et habits d'une autre époque enfilés, j'étais prête pour le grand moment. Sereine, souriante, crampée même en me faisant pousser en chaise roulante (comme Papa lors de son transport à l'hôpital en ambulance!), j'étais prête à 12h pour accueillir ma petite pitoune. Je me suis rendue au bloc opératoire, quittant Salam qui m'a semblé plus nerveux que moi. Lumières éteintes, aucun outil prêt, personnel en retard ou en train de se changer... Les gens causaient autour de moi pendant que j'attendais dans ma chaise roulante, la main sur la bedaine, me disant que notre chérie serait avec nous dans peu de temps, et que c'était fou d'y penser!!! Bref, j'ai fini par entrer dans la salle, le personnel est arrivé petit à petit, s'affairant à leur besogne. Le chirurgien a même mis de la musique! Une sonde urinaire a été placée (ça faisait tellement mal! je déteste!) ut j'ai dû m'assoir sur la table avec la sonde douloureuse, mon gros ventre, et les jambes à la hauteur de mes fesses (tout un exercice!) et puis j'ai eu la péridurale (rachianesthésie, comme ils disent ici). Juste le temps de me coucher et tout est devenu chaud dans mes jambes. Ils se sont installés, tout en parlant (ce que les Africains aiment parler!) et à un moment, j'ai entendu ''incision: 13h02''. Je pouvais voir dans la céramique blanche couvrant les murs comme dans un miroir un peu flou. E je l'ai vue sortir. Ma fille tant attendue. ''13h04: naissance'' et puis j'ai entendu son petit cri. Un soulagement, quand même, après tout. Ils sont venus me la montrer rapidement et j'ai pensé au fait que sa tête était toute petite. Je ne pleurais pas, mais je me suis surprise à sourire en pensant qu'elle était enfin parmi nous (bien qu'elle l'ait été depuis déjà des mois!). J'aurais voulu vivre ce moment avec Salam (resté hors de la salle) et avec ma petite sur moi! Une sagefemme a pris la petite pour la mesurer, la peser, l'habiller (ils sont partis chercher des vêtements dans mes affaires) et je crois que Salam était avec elle tout ce temps. Les chirurgiens ont eu l'air de bien nettoyer l'utérus (que je voyais sorti de mon ventre, dans le reflet) parce que ça a été long par la suite (au moins une heure et quart). J'ai eu un surjet intradermique pour la ''couture'' du ventre. Mais à la fin, ils m'ont dit que la césarienne avait été une bonne chose puisque l'enfant avait deux tours de cordon autour du cou, ce qui aurait probablement compliqué l'accouchement. De toute façon, bon, c'était chose faite maintenant. Elle et moi étions en santé, voilà l'important!
Après que tout soit fini, j'ai été déplacée sur une civière. Je pouvais bouger les jambes, tant l'anesthésie n'était pas très forte. J'arrivais même à soulever les fesses. (Mes bras ne tremblaient pas pendant l'opération.) Beaucoup de sang dans la salle, j'étais impressionnée. Leurs tabliers aussi en était taché. (Ça avait même giclé jusqu'à moi pendant l'opération!) J'ai été placée dans une salle de réveil, qui ressemblait plus à un placard de médicament qu'autre chose! Juste de la place pour un petit lit, celui du bébé, et des étagères sur les murs au-dessus de nous. Je ne devais bouger pendant plusieurs heures, histoire d'éviter des douleurs. Je ne me souviens plus trop mais je sais que Salam et la petite ont fini par apparaitre. Elle était si belle, si petite dans son berceau transparent, comme une princesse dans son lit de verre. Je voulais m'assoir pour la voir, la toucher, la prendre, mais elle était si loin. Et moi, j'étais couchée avec des abdos en compote! J'avais envie de crier:''Et le peau-à-peau? Mettez-la au sein quelqu'un!!!''. J'ai insisté, sinon, elle serait restée dans son petit lit. Salam était debout. Moi, ce qui me faisait le plus mal, c'était de tousser et d'être étouffée tant je ne pouvais évacuer ces foutues sécrétions de mes voies respiratoires. J'ai eu le bébé dans mon lit, elle a bu tout de suite. Elle était là, c'était comme irréel. Beaucoup de cheveux noirs, la peau toute blanche, une bouche qui me semblait connue, un nez bien ventilé... La copie de ses frères! Mais j'avais beaucoup de douleurs au ventre (tranchées), vraiment trop pour pouvoir dormir un peu. ll y avait de la climatisation (un peu!) mais je me suis mise à transpirer beaucoup à un moment donné. Ce que j'ai vu, tout de suite, c'est que mes varices avaient complètement disparu! Depuis les premières semaines de ma grossesse, ma jambe droite, surtout, était toute bleue, surtout à la cheville et là, en quelques minutes, ces veines et veinules ne se voyaient plus et l'œdème était maintenant chose du passé! Ça m'a vraiment fait drôle! Le personnel était peu présent, et Salam a dû partir aussi pour gérer les enfants restés avec Noura à la maison. Vers 18h, des gars ont déplacé mon corps nu collé au plastique du lit (les kilos les plus « indéplaçables » de ma vie!) pour changer le drap souillé. Ils m'ont ensuite transporté jusqu'à la chambre, peut-être une centaine de mètres plus loin. Ça a été tout un exploit pour me coucher dans le lit de ma chambre! Ça faisait si mal, mon ventre!!! La petite me suivait dans son petit lit de verre, toujours aussi tranquille.
Durant la soirée, Salam est revenu avec les enfants et notre ami Razack. Je me suis assise dans le lit et les petits ont pu voir leur petite sœur. De justesse, on a réussi à prendre une photo. Tout le monde n'est jamais souriant ou prêt en même temps! Je ne me souviens déjà plus de la suite!!!
Les gros maux de tête ont commencé le lendemain matin. Je me suis débarbouillée, habillée et en ouvrant mon ordi pour voir mon Facebook de base que le faible réseau rendant ainsi, j'ai senti la douleur arriver. Et pas une petite céphalée là! Comme des étaux qui écrasent ta tête, sur le front et les côtés. C'était vraiment horrible comme douleur! Ça passait un peu quad j'étais couchée ou penchée, en position de petite vieille. Pendant tout mon temps à la clinique, le personnel n'a pas réussi à calmer mes douleurs, malgré les solutés et autres médicaments (on a compris après que les doses données étaient très faibles en comparaison avec ce que je prends habituellement, comme pour les maux de tête). Même le coca ne me soulageait pas! Les tranchées aussi étaient très fortes, et duraient tout le temps, pas seulement à l'allaitement. J'ai vraiment trouvé la première semaine atroce, surtout que les gens venaient me visiter en masse à la clinique! Amis de l'Église Hosanna, de l'École Alliance, du Lycée La Fontaine, etc. Ils apportaient fruits, jus et bonne humeur pour nous. Moi, j'arrivais à peine à sourire, je ne me sentais pas bien du tout. Ils m'ont certainement beaucoup aidée à passer à travers cette douleur! Je n'avais même pas le courage d'ouvrir mon ordi pour aller sur Internet écrire à ma famille, ce n'est pas peu dire!!! La petite, elle, ne faisait que dormir, et ses deux petites billes s'ouvraient de temps à autre, la nuit surtout. Une sagefemme venait la chercher chaque matin pour la laver et s'en occuper. J'ai été bénie que la petite soit aussi sage car je n'aurais pas eu la force de m'en occuper si elle avait pleuré comme les deux autres. On dormait côte à côté dans mon lit et je l'allaitais au besoin. Je ne pouvais sortir de ma chambre tant la douleur était forte et ingérable, surtout à la tête! Seul le temps pouvait faire son effet!
Le mardi matin (j'avais accouché le vendredi), j'ai pris mon courage à deux mains pour me préparer à sortir. Nous avons réussi à remplir les papiers de naissance avec la secrétaire (bien que je me sentais sur le point de m'effondrer) et à aller prendre le reste de l'argent au guichet d'en face pour finir de payer les couts. Moins d'un million de francs, c'était pas mal moins que ce que je croyais. Un peu plus de 2000$ donc, mais pour une césarienne et tous les services pour 5 jours, ce n'est pas beaucoup. Nous avons quitté, pognés dans le trafic et la chaleur... Je ne croyais pas me rendre à la maison vivante. Maux de tête atroces, et douleurs au ventre à chaque bosse, outch!
Les jours suivants ont passé, entre visites d'amis venus nous livrer des repas, tétées, reprise des tâches ménagères (tsé quand la maman quitte pendant 5 jours!). Et puis, petit à petit, la santé est revenue, les maux de tête ont diminué, le corps est devenu moins douloureux. Les maux de tête sont devenus des maux de dos, comme une très très grande fatigue, et ça a descendu jusqu'en bas, dans les hanches. La première fois où nous sommes retournés au stade, la douleur était horrible dans les hanches, mais s'arrêtait dès que je m'assoyais. Ça me faisait penser à Grand-Papa Lauréat et sa sensation d'ours qui lui mangeaient les fesses. Pauvre homme, je me disais que ça devait être tellement douloureux comme douleur, parce que j'ai eu mal plusieurs jours dans les hanches, en position debout (souvent, lorsque nous sommes maman!). Bref, lors de la présentation le dimanche, alors que la petite avait 10 jours, on peut dire que je commençais à reprendre le dessus. Je suis tellement reconnaissante à Dieu pour ma bonne santé! C'est lorsque ça va moins bien qu'on se rend compte à quel point la vie change quand on se sent mal...
Voilà, en gros, ce dont je me souviens de cette expérience au Niger!!! Je peux dire que j'étais bien en paix et confiante, et que l'équipe médicale a pris soin de moi, avec leurs compétences et matériel! J'étais cependant bien contente d'avoir un vécu de plusieurs années au Niger car j'aurais eu bien peur lorsqu'il y a eu coupure dans le bloc opératoire et que tout est devenu noir en plein milieu de l'opération!!! Haha!!! »