
À peine avais-je eu le temps de décrocher et de lancer mon fameux « Oui, Allo ! » habituel qu’il se lança dans une joyeuse explication de ce qu’il avait vu, en compagnie d’une de ses collègues du comité, au théâtre La Bordée. J’écoutais béatement sans trop savoir ce dont il parlait jusqu’à lui demander : « Hein ? Comment ? Du théâtre documentaire ? Mais qu’est-ce donc ? ».
Rasant de me traiter d’ignare, se transformant en un onglet Google, il reprit à peine son souffle pour définir ce qu’est ce type de théâtre d’un seul trait, comme s’il s’attendait à ma question : « Le théâtre documentaire est une forme de théâtre qui traite d'évènements politiques ou sociaux historiques ou contemporains. Ses sources proviennent de reportages, de comptes rendus, d’interviews et d’autres documents juridiques ou historiques ».
En fait, mon espion siégeant au comité avait assisté à la fameuse pièce de Christine Beaulieu au titre fort évocateur « J’aime Hydro », une œuvre magistrale d’une durée de 3h40 et plus, qu’elle a écrite et qu’elle joue avec brio en compagnie de Mathieu Gosselin et Mathieu Doyon. Gosselin joue quelque 28 personnages, rien de moins, sans artifices, mais avec grande maitrise et justesse. L’autre Mathieu, Doyon, est aussi sur scène tout au long de la pièce, jouant un petit rôle de soutien mais exécutant un support hors-champs important et primordial. La mise en scène de Phillipe Cyr, à la fois dynamique et dénudée, supporte des textes informatifs qui pourraient sembler lourds mais qui ne le sont pas, mais pas du tout. Quant à Christine Beaulieu, créatrice de la pièce, elle éblouit, jouant sur plusieurs tableaux et nous gardant toujours sur le bout de notre siège.
Aucun vide, aucune longueur dans cette œuvre dont la durée pourrait pourtant s’y prêter ! Le jeu des deux comédiens constamment sur scène, les textes qui passent d’un personnage à l’autre, dans différentes réalités, parlant d’évènements plus ou moins connus de la plupart des Québécois, en utilisant des moyens scéniques simples mais efficaces, tout cela conserve l’intérêt d’un bout à l’autre. Et nous porte à la réflexion sur ce que notre société d’état, Hydro-Québec, fait pour nous et pour elle-même, ou pour rien. Tous les aspects sont analysés et présentés sans parti pris, ou à peine, puisque l’objectivité pure n’est pas de ce monde.
Le seul hic, selon mon observateur et sa collègue, ne vient ni du texte, ni de la mise en scène, ni des comédiens, ni de leur jeu, ni du son, ni d’aucun élément relatif à leur travail et à leur œuvre, mais de la salle elle-même. Effectivement, la température était si froide pendant la présentation de la pièce que même les plus gras grelottaient. Les vents du nord semblaient être descendus de la Romaine pour venir nous menacer !
Ainsi, mon espion et sa collègue ont passé une excellente soirée, aux frais du « CÉPTÉCDEVMQANJÉSPSPBQLRASVSIEP » mais ils n’ont rien appris sur l’eau si ce n’est que les rivières où elles coulent peuvent être harnachées pour faire tourner des turbines et ainsi, produire de l’électricité en grande quantité, même en surplus, pour le Québec. Ils sont sortis bredouilles mais satisfaits de leur soirée, oubliant presque la raison pour laquelle ils avaient été désignés pour assister à cet évènement. Le comité sera déçu pour deux raisons, il me semble : Un, de ne pas avoir assisté à un si beau déploiement de talents, et deux, de ne recevoir aucun nouvel élément pour faire tourner la turbine du comité.
Note de l’auteur : « J’aime Hydro », sans contredit, une œuvre magistrale que chaque Québécois digne de ce nom devrait voir et entendre, et qui devrait être présentée dans les écoles. Un documentaire de toute beauté !