
« C’était une soirée pluvieuse de novembre 1920. Les plus jeunes étaient couchés depuis déjà belle lurette. Les gouttes de pluie frappaient sur les fenêtres de la maison, formant une étrange musique douce. Le bruit de la pluie bercait le jeune Léon, endormi d’un sommeil léger. Arthur, le vieux grand père, était dans sa chaise bercante. La soirée semblait calme pourtant… À l’étage, un craquement. Léger, presque inaudible. Pourtant, il faisait contraste à la musique apaisante de la pluie sur la maison. Léon, d’un sursaut, se réveilla. Après un léger coup d’œil, il se rassura. Il n’y avait rien d’anormal dans sa chambre. Il reposa la tête sur son oreiller, et fermant les yeux, se concentra sur le son lancinant des nuages qui pleurent. Léon n’arrivait pas à s’endormir, il n’entendait que des bruits de pas, réguliers et lents dans le grenier, au-dessus de sa tête. Il appela son grand-père, il devait être un peu perdu, comme à son habitude. Personne ne répondit. Il fit quelques pas, et s’arrêta la main sur la poignée de porte. Voulait-il vraiment voir ce qui se passait l’autre côté de la sécurité de sa chambre? Il écouta le silence, à la recherche d’autres sons parasites. Un râle. La peur l’envahit. ‘’Grand… Grand-Pa’? C’est… C’est t-toi? ‘’ demanda il, les dents claquant les unes contre les autres. Rien. Une main se posa sur son épaule, il n’osa même pas se retourner.
Le lendemain, Arthur, ne voyant pas son petit-fils descendre pour le déjeuner, alla cogner à sa porte. Personne ne répondit. Il ouvrit lentement, quelque chose la retenait. Il y découvrit Léon, la main toujours serrée autour de la poignée, bleu comme le ciel par une journée d’été, mais froid comme par un hiver au Yukon. Le sang lui avait glacé dans les veines.
C’est pourquoi, depuis ce jour, l’expression ‘’le sang lui glaça dans les veines’’ est utilisée partout au Québec, à cause du petit Léon qui avait eu une peur bleue, incompréhensible, par ce soir pluvieux de novembre. »
(Auteur : Marjorie Bérubé – Avril 2014)